La soustraction du visible

     

     La soustraction du visible est le domaine du peu. Là, dans les banlieues et les périphéries, dans les villages désertés, dans les hameaux perdus, en des endroits humbles et sans éclat, portant la patine du temps, l'ordinaire laisse apparaître à travers strates et ombres imperceptibles, avec ces tons de terre, ces tons de grisaille, de ferraille et de limaille, une poésie particulière, quelque chose d'ineffable qui ne se dévoile qu'à celui qui le cherche vraiment. L'ordinaire, s'il est peu de chose ou pas grand-chose, tient de la modestie. Il y a là, peu d'éclat, apparemment sans importance, sans valeur. L'ordinaire possède cette économie, cette petitesse, ce goût pour le peu. L'ordinaire a ce caractère de ce que l'on ne peut venir à bout, de ce que l'on ne peut déterminer, impossible de le ramener à la compréhension. Il possède une logique dont l'essence est impénétrable.

Jean-Luc LECLERCQ, L'attention aux petits-riens, 2013, ©